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La place du marché

En plein coeur de la ville, plusieurs ateliers d’artisans et échoppes de commerçants ont été regroupés dans un bloc de bâtisses enserrant une place de marché qui fourmille d’activité. On y achète de la viande, du vin, des bijoux, et d’autres marchandises, dont la plupart sont produites sur place par les artisans dont on aperçoit les ateliers depuis la devanture des boutiques.

Cet ensemble artisanal et commercial est formé de quatre grandes halles, accolés autour d’une cour centrale de 130 m2. Ces corps de bâtiments accueillent des ateliers auxquels s’adossent des portiques en matériaux légers. Ce dispositif, et le plan général du complexe, inconnus jusqu’alors en Gaule, évoquent l’architecture d’un marché romain (macellum) et de ses boutiques attenantes (tabernae).

Atelier du bronzier

La fouille du complexe artisanal a révélé la présence de plusieurs structures témoignant d’un artisanat du bronze. Une fosse-atelier a été mise au jour au sud du bâtiment. Elle adopte une forme rectangulaire, prolongée par une sorte d’abside circulaire caractéristique. A cet endroit, on observe une forte densité de limailles de bronze associé à la présence d’une tache charbonneuse de forme carrée, qui peut être interprétée comme le négatif d’un billot de bois ou d’un bloc de pierre.

Ce négatif révèle l’emplacement d’une structure de frappe de type enclume. Cette étape de la production semble attestée également par la présence d’un ou deux outils interprétés comme des limes.

La couche de limaille associée à cette structure de frappe repose sur un niveau charbonneux, dont l’aspect multicolore (vert, jaune, rouge) évoque l’étape antérieure de production d’un objet en bronze : la coulée. Une petite structure en creux bordée de petits blocs de basalte permet d’évoquer l’association de cette couche avec un second billot ou un poteau servant de support à un établi. Le mobilier associé à ce niveau est particulièrement éloquent : creuset de morphologie et de tailles variées, sept fragments de lingotière en terre cuite ainsi qu’un plateau de balance en bronze permettant la pesée des métaux lors de la réalisation des alliages métalliques.

Au final, toutes les étapes de production nécessaires à la réalisation d’un objet en bronze ont été mis en évidence (coulée, martelage, travaux de finition) et nous permettent de restituer tous les gestes d’un artisan maîtrisant parfaitement son art.

Atelier du menuisier

Parmi les outils recueillis au centre de l’aile ouest du complexe, plusieurs instruments semblent spécifiques au travail du bois et attestent peut-être de l’existence d’un atelier de menuiserie. Ces outils documentent toute la chaîne de transformation du bois, de l’abattage de l’arbre à sa mise en forme. En témoigne peut-être la découverte d’un type d’objet inédit, attesté à hauteur de trois exemplaires. Il se compose d’un gros anneau en fer, auquel sont reliés deux coins en forme de petite hache, ainsi qu’un tenon, destinés à être fichés dans le bois. Il s’agit d’un outil bien particulier appelé cumangle ou fleuret, servant au débardage des arbres.

Les opérations successives d’enlèvement de l’écorce et de dégrossissage des poutres sont documentées par la présence d’écorçoirs caractérisés par un emmanchement à douille et une lame mousse permettant de retirer l’écorce, ainsi que par des herminettes à douille servant à dresser les poutres ou creuser des troncs. Ce dernier instrument est indispensable à la réalisation de poteau ou encore, de pièces de charpente. Le travail de finition du bois se fait à l’aide de ciseaux à bois multifonctionnels, de bédanes servant à creuser les mortaises et les tenons des poutres, ou encore, de scies égoïnes également utilisées pour le travail de l’os. La sculpture est représentée par de nombreuses gouges, dont la gorge tranchante crée les volumes et les décors du bois…

Boucherie

Le site de Corent est le seul à mettre clairement en évidence une zone d’activité et de découpe bouchère localisée aux abords de la place de marché. Plusieurs milliers d’ossements animaux témoignent de la découpe des bêtes destinées à l’alimentation. Ces pratiques ont laissé des traces qui permettent de comprendre les gestes mis en oeuvre par les bouchers.

Parmi ces restes osseux, le boeuf domine le spectre faunique et est essentiellement représenté par des bas de pattes et des éléments de crânes. Les parties les plus propices à la consommation comme les membres (épaules et cuisses) et le tronc (côtes) sont très minoritaires. Moutons et porcs offrent une distribution semblable au boeuf mais de façon moins tranchée. La composition de ces ensembles ne permet pas de les considérer comme des reliefs de repas. Elle évoque, en revanche, les dépôts de boucheries bien connus à l’époque romaine, autant par la quantité des ossements que par la sélection des espèces et la distribution anatomique des restes, caractéristiques des rejets de la découpe primaire.

La zone bouchère de Corent illustre de faêon spectaculaire une pratique mise en oeuvre à l’échelle d’une population urbaine qui dépasse le cadre de la maisonnée. Son environnement prestigieux et en particulier, la proximité du sanctuaire, lui confèrent un rôle central dans les activités économiques et cultuelles de l’oppidum. Placé sous la coupe des aristocrates qui résidaient à proximité, il témoigne d’un mode de contrôle centralisé de la préparation et de la distribution des viandes, qui reproduit d’une certaine manière le modèle du macellum romain administré par les édiles.

Taverne

Dans l’angle nord-est de la place de marché, un bâtiment de plus de vingt mètres de long a été mis au jour. Il est édifié au-dessus d’une grande cave creusée dans la roche volcanique. Cette cave, fouillée en deux fois entre 2007 et 2008, présente une forme allongée et des dimensions exceptionnelles : plus de dix-huit mètres de longueur pour deux mètres de largeur et autant de profondeur, soit une capacité de près de quatre-vingt mètres cube. Les puissants poteaux qui la borde dessine en plan une vaste halle longiligne à trois nefs, supportée par deux rangées de poteaux extérieures et deux rangées intérieures.

Le mobilier retrouvé dans le remplissage suggère que cette cave était dédiée au stockage du vin importé. Plus de 22 000 tessons d’amphores brisés (5,6 tonnes !) ont été retrouvés, rejetés en une seule opération lors de la condamnation du bâtiment, survenu avant le milieu du 1er siècle avant notre ère. Au total, ce sont près de 500 individus qui ont été mis au jour, dont une vingtaine d’amphores complètes, couchées ou empilées sur deux niveaux. À l’origine, elles étaient sans doute appuyées contre ses parois, dressées de part et d’autre d’un espace de circulation central. Ce dépôt d’amphores était associé à de nombreuses vaisselles complètes, écrasées en place au fond de la cave : vases de stockage, mais aussi, cruches et gobelets utilisés pour le service et la consommation du vin.

Quelques objets particuliers complètent cette image, tels les dés à jouer en os, une figurine animale ou des fragments de cruche en bronze importées d’Italie, vaisselle autrement plus prestigieuse que la céramique. Les dimensions spectaculaires de la cave, les prodigieuses quantités d’amphores et les autres indices livrés par les mobiliers : tout indique un lieu de rassemblement et de convivialité autour de la consommation du vin.